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# Acide citrique #
6 avril 2008

Premières et dernières fois

    Dans la lignée de ma nostalgique semaine, affluence de souvenirs bien nuageux. Premières et dernières fois. Pour une fois, mon titre est explicite. On se rappelle souvent des premières fois; premier amour, premier baiser, premier rapport, premier contact, premier stage, première cuite aussi, il faut le dire.

    Mes premières fois ont toujours, ou presque, été d'un comique déstabilisant. Sauf mon premier amour, plutôt tragique, lui. Un suicidaire même pas fichu de réussir son coup. Quatre ratés, le con. Entre les différences d'âge, les suicidaires et les malades, j'ai toujours des histoires tristes, moi... {note pour plus tard: demander un dossier médical et un résumé complet de la vie de mon prochain coup de cœur avant de tenter le coup}.

    Premier stage en clinique et premier évanouissement au bloc. Premier verre offert par deux maîtres de la scène française (que je ne nommerai pas; sachez juste qu'ils appartiennent respectivement à Tryo et Sinsemilia). Premier solo sur Vivaldi, et première rose offerte à Mademoiselle la soliste. Premier baiser devant le bureau des CPE. Premier fou rire avec un prof, moment de complicité ou l'élève rejoint le maître...

    Les dernières fois, personne n'y pense. C'est bien dommage. C'est si beau, une dernière fois, tellement chargé... Mon dernier regard de collégienne sur un grand arbre de milieu de cour. Mon dernier délire avec un merveilleux prof de latin. Mon dernier classeur de français. Mes dernières vacances avant le monde du travail. Mon dernier sourire, trop lointain déjà.

    C'est triste une dernière fois. Si elle est malheureuse, on en garde un amer goût de "j'aurais du... ". Si elle est agréable, on vit un moment dans la nostalgie du plaisir. On regrette. On essaye de s'en rappeler, et on se demande si ce sentiment de bonheur intense reviendra un jour. Et puis le temps passe, et l'amertume s'estompe. On sourit à nouveau, on remet du cœur dans les étirements zygomatiques. On tourne la page. On en écrit une nouvelle. Un nouveau départ. Une nouvelle première fois.

~ O ~

    Mon dernier poème appris. Du Prévert. J'adore Prévert. Surtout celui là. Alors, désolée si vous préférez Mallarmé, mais je vous en file un morceau, rien que pour le plaisir:

Pater Noster

Notre Père qui êtes aux cieux
Restez-y
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelque fois si jolie
Avec ses mystères de New-York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Eparpillées
Emerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres, leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourissant dans l'acier des canons.

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